Remplir de sourires la boîte à souvenirs

Fanny Julien-Laferrière mars 2019

« Rien de plus douloureux qu’un souvenir. S’en méfier plus que de tout. 

Rien de plus douloureux qu’un souvenir.
Surtout les plus doux. 
 
Les plus beaux, les plus heureux, nous laissent dans l’âme comme des traces, des sillons aussi profonds que nos sentiments, malgré le temps qui passe.
 
La chaleur d’une voix, le rugueux d’une barbe sur la joue, cette façon de jouer avec ses doigts… 
 
Le tintement de son rire qui résonne dans la baie hiver comme été, cet air de regarder par en-dessous, ses expressions bien à elle…
 
L’éclat de son œil rigolard, cette manière d’arranger ses cheveux blancs, et la douceur de son sourire qui penche entre les rides…
 
L’odeur de ses draps, ce parfum là qui me saisit en pleine rue, même porté par un inconnu et me ramène subitement dans ses bras à lui…
 
Le goût du pain d’épices n’est pas tout à fait le même sans elle, sa sagesse amusée et son pétillement solaire…
 
Rien n’est plus douloureux qu’un souvenir. Et rien n’est plus précieux. 
 
Alors je les conserve tous, comme autant d’objets brillants, ceux que je collectionnais petit. Et rangeais soigneusement dans une boîte à tiroirs au papier à fleurs démodé. Mon coffre aux trésors… 
Quand un souvenir sort de la boîte, un sourire l’accompagne.
 
Aujourd’hui, je garde mes souvenirs pareillement, bien au chaud dans mon cœur d’enfant devenu grand. Comme dans un musée. Bien alignés, dans les sillons de mon cœur, comme autant de graines attendant de germer. 
 
Chacune s’épanouit éternellement dans mon cœur, m’embaumant du doux parfum d’autrefois. Elles poussent et me poussent à m’épanouir moi aussi. A distiller à mon tour le parfum de l’amour à ceux qui m’entourent…
 
Partager le parfum du bonheur et continuer de créer toujours, une roseraie éternelle qui fleurit le jardin de mon cœur. 
 
Chaque année vivre pleinement et apporter à mon cœur de nouveaux plants. Un jour, au soleil couchant, j’aurai plaisir à flâner dans mes jardins intérieurs. Respirant les effluves singulières d’une vie bien vécue d’avoir collectionné les bonheurs plus que les peurs.
 
D’avoir fait beaucoup d’erreurs mais pas celle d’éviter le bonheur, l’amour et l’amitié en voulant éviter le danger. De n’avoir jamais hésité et jamais regretté ce qui a été donné. Les moments partagés. Dans mon jardin, les gens et les sentiments ne meurent jamais. 
Et ne pas avoir peur des pleurs. Ils arrosent les graines que ceux que j’aime ont semées dans mon cœur et les transforment en un jardin merveilleux qui toujours demeure… »

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